ALEODOR
- angelogeorge988
- 19 mai 2024
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 30 juin 2024
Son rêve étant fini, il ne lui restait que le vacarme. Et la douleur qui s’enterrait dans son cœur comme un serpent enfoncé dans une proie encore vivante. Il avait oublié ce qu’il s’était passé avant son rêve et ne pouvait même pas s’imaginer ce qui allait lui arriver. Le chagrin le frappa avec la force d’un javelot et il réfléchissait encore à ce qu'il avait à faire. Aller de l'avant, vers le rivage épargné des eaux, ou amener sa lassitude fatiguée vers le nord, toute en sachant qu'il va enfouir sa vie dans un n’importe quel village désert, avec quelques maisons et un bistrot modeste, comme dans un espace impossible et abstrait.

Faite; il partit vers le nord, traînant lourdement ses bottes fourrées. Et il arriva dans le village qu'il connaissait si bien, devant la maison de ses parents, aujourd’hui désertée. La porte lourde-sordide se dressait dans ses hideux gonds rouillés et grinçants. Il la poussa et entra. L'odeur lourde, de poisson salé rassis, mélangée à celle du lait aigre lui revint en mémoire, le clouant sur place et lui rappelant les jours de son enfance, quand son père mettait la table dans la petite cuisine. Il se souvenait parfaitement de lui: grand, fort, avec une barbe blonde enchevêtrée et hérissée, légèrement penché sur chaque assiette, où il déposait deux ou trois pommes de terre et un gros morceau de poisson séché. Il a slurpé légèrement et cru ressentir son gout salé, légèrement fumé et poivré. Et il a vu aussi sa maman. Assise dans le coin le plus éloigné de la maison, enveloppée dans ses châles larges, d’un noir presque vert, avivant le feu, le seul de toute leur maison. Elle prît posément la pièce de bouse sèche et la pesa bien dans ses mains, avant de se décider dans quelle direction elle allait la jeter. Et quand elle le faisait, elle hoqueta. Regarda contente autour d’elle et le feu agrandissant lui enjouait la face. Il ne savait pourquoi, mais ce souvenir faisait lui couler une larme. Seul, tristement seul, il regardait les grosses araignées, séchées de tant des meurtrissures et gelées dans leurs grosses toiles, et la tôle rouillée s’appelant four, et la cheminée délabrée et triste de tant de silence. Et d’un coup l’odeur des souvenirs l’éperonnait. Il tomba doucement sur le lit grossier et froid, essayant de se rappeler cet instant-là. Le dernier, quand il avait été heureux pour une ultime fois. Enivré, rêvant tard et lourde de tant de bonheur, il laisse sa tête tomber dans la couche des lichens et sur l’oreiller poussiéreuse. Et le momentum enveloppait doucement Aleodor, le rêveur du Pôle, la vie entière piégée dans le fumier, ses perceptions coincées dans les braises de la fournaise.
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