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MANGER SUR LE POUCE: GUIDE DE SURVIE EN COMMUNISME

"La farine: paradis des cafards et des coléoptères de toutes tailles, elle devait être tamisée à la loupe pour ne pas se retrouver avec des... surprises dans les gâteaux."


Qu'il soit clair: le nombre presque indécent de choix et la richesse des produits, qu'ils soient alimentaires ou non, n'existent qu'en capitalisme, dans une économie de marché. Dans un régime communiste, le choix est radicalement limité à quelques variétés, souvent de piètre qualité. Et ça, dans le meilleur des cas, car dans la plupart des pays communistes, le seul produit qu'on trouve en abondance est... la pénurie. Ce fut la situation de la Roumanie d’avant 1989, sous le règne communiste du Camarade Dictateur Ceaușescu. Comment nous sommes-nous nourris (ou non) à l'époque ? Lisez ci-dessous. En bref, bien sûr - un récit détaillé prendrait des milliers de pages.

La file d'attente pour les produits alimentaires en Roumanie dans les années '8.
La file d'attente pour les produits alimentaires en Roumanie dans les années '8.

Tout appartient au Parti: l'illusion de la propriété sous le communisme

Soyons clairs: sous le régime communiste, la propriété privée n’existe pas. Toute chose appartient à l’État. Plus précisément au Parti Communiste, car c'est lui l'État. Les biens personnels, comme une voiture, une maison ou des vêtements, lui appartiennent dans les faits, même s'ils sont officiellement les tiens. En effet, si un apparatchik du Parti décidait autrement, vous les perdrez. Avec une certaine contrepartie, si vous êtes chanceux. Mais même quand elle est accordée, sa valeur est bien inférieure à celle de votre bien. Et comme tout appartient à l’État, la pyramide de pouvoir est rigide, et les avancements se font grâce à des pistons, sans aucun lien avec les performances. Les initiales du Parti Communiste de Roumanie, PCR, étaient "traduites" par la population par: Pistons, Connaissances et Relations.

Deux membres éminents de la nomenklatura communiste d'après-guerre: Ana Pauker et Petru Groza.
Deux membres éminents de la nomenklatura communiste d'après-guerre: Ana Pauker et Petru Groza.

Les entreprises: pas de marché, pas de faillite, pas de qualité

Dans un régime communiste, les entreprises sont créées et démantelées selon le bon vouloir d'un membre de la direction du Parti Communiste ou même du Dictateur. L'État et le Parti ne font qu'un, et personne d'autre n'a de pouvoir de décision. Dans ce système, les entreprises ne perdent pas de clients et ne font pas faillite, quelles que soient leurs performances. En fait, les performances n'ont même pas d'importance, car tous les aspects - production, chiffre d'affaires, bénéfices, prix et clients - sont dictés par le Parti ou, pour les entreprises les plus importantes, directement par le Dictateur. Le marché, l'offre et la demande, la qualité des produits, tout cela ne joue aucun rôle. Une entreprise mécontente de ses fournisseurs ne peut pas en changer de son propre chef. De plus, si elle n'est pas payée pour ses services, elle n'est pas libre de prendre des mesures pour récupérer son argent. Même si cela l'empêche de payer ses propres fournisseurs. Une telle décision relève entièrement du Parti, y compris la possibilité de poursuivre en instance un mauvais payeur. Les conséquences sont nombreuses et inévitables: la qualité diminue, les rejets se multiplient, les marchandises sont refusées à l'exportation et les pertes s'accumulent.

La visite de travail de Nicolae Ceauşescu dans le département de Harghita, à l'usine de confection de Miercurea Ciuc, en avril 1970.
La visite de travail de Nicolae Ceauşescu dans le département de Harghita, à l'usine de confection de Miercurea Ciuc, en avril 1970.

Pertes cachées et production sur le papier

Bien que les pertes s'accumulaient, les échelons inférieurs du Parti et les dirigeants des entreprises les dissimulaient et font état d'une production toujours plus importante. Ainsi, sur le papier, les usines affichaient des chiffres impressionnants, alors qu'en réalité, elles produisaient de moins en moins. Et même lorsque quelque chose était produit, c'était souvent autre chose que ce dont les consommateurs avaient réellement besoin. Les besoins de la population n'étaient pas pris en compte, et encore moins satisfaits. C'est ce qui explique le décalage chronique entre l'offre et la demande qui caractérise les économies communistes. Dans le cas de la Roumanie de Ceauşescu, ce phénomène a été aggravé par l'obsession du Dictateur pour l'industrie "lourde", centrée sur la production de machines industrielles. La Roumanie a donc investi massivement dans ce secteur, négligeant l'agriculture et la production alimentaire. Cela a eu des effets désastreux sur le plan alimentaire pour la population.

L'usine Alumina d'Oradea, 1965.
L'usine Alumina d'Oradea, 1965.

Déconnexion de la réalité

Les politiques économiques du régime communiste ont conduit à une véritable déconnexion du marché. Conséquence: la Roumanie a fini par produire des machines industrielles impressionnantes, mais pas les outils agricoles essentiels ni les biens nécessaires à la vie quotidienne. De plus, à la fin des années 1970, Ceauşescu a décidé que la Roumanie devait rembourser intégralement sa dette extérieure, un projet mégalomaniaque. Pour atteindre cet objectif, il interdit toutes les importations, à l'exception de celles qui sont indispensables à son secteur favori, "l'industrie lourde". Dans le même temps, il a ordonné l'exportation massive de tous les produits susceptibles d'être vendus à l'étranger, y compris les denrées alimentaires, privant ainsi son propre peuple de nourriture. Le résultat était inévitable: une aggravation de la crise alimentaire. Mais Ceauşescu a trouvé la "solution": nourrir "scientifiquement" la population de son pays.

Boucherie, intérieur, 1987.
Boucherie, intérieur, 1987.

Chapitre 1: Nutrition de la population

Famine planifiée: le programme scientifique de nutrition

Pour gérer la crise alimentaire de la fin des années 1970, Ceausescu a imposé le rationnement, tel que la France a connu pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce programme a ensuite été officialisé par une loi en décembre 1980. Une décision particulièrement sévère a consisté à imposer des restrictions encore plus dures aux paysans, sous prétexte qu'ils pouvaient élever leurs propres animaux et cultiver des légumes. Pour justifier cette politique, un soi-disant "Programme scientifique pour la nutrition de la population" a été élaboré par des "spécialistes de la nutrition" sous la direction du Parti Communiste et du Dictateur lui-même. Ceux-ci ont déterminé que les Roumains avaient besoin de 2 700 à 2 800 calories par jour et ont imposé des règles précises en matière de consommation alimentaire. Ils ont fixé la quantité de pain, de viande, d'huile, de sucre, de légumes ou d'œufs que chaque citoyen était autorisé à consommer par jour, par mois et par an. Par exemple, la ration annuelle officielle était de 36 kg de viande, 210 litres de lait et 260 œufs par personne. Pour éviter que la population ne dépasse ces quantités, la distribution des aliments était strictement rationalisée.

File d'attente pour le lait, 1988.
File d'attente pour le lait, 1988.

La statistique mensongère: chiffres du régime contre le frigo vide

Comme les pénuries alimentaires devenaient de plus en plus graves, la consommation alimentaire réelle se situait à la limite de la survie. En réalité, les quantités de nourriture distribuées étaient bien inférieures à celles prévues par les règles officielles. Et au début des années 1980, elles sont très vite devenues un mirage, un puits d'eau dans le désert, une Fata Morgana. Le panier alimentaire contenait donc tout au plus une demi-miche de pain par jour. À cela s'ajoutaient sur un mois: quelques œufs, quelques kilos de pommes de terre, du lait et d'autres produits laitiers, des légumes et des fruits, ainsi qu'un kilo de sucre et d'huile, et 2 à 3 kilos de viande et de poisson. Mais à condition de pouvoir les trouver, ce qui n'était pas du tout gagné d’avance. Par conséquent, il arrivait de plus en plus souvent que même ces quantités ne soient réellement disponibles, et que les gens finissaient par manger de moins en moins. Je fais aujourd'hui une blague amère: je peux dire que j’avais suivi un régime extrêmement strict.

Dans la file d'attente, avec des petits tabourets et des mots croisés, 1979.
Dans la file d'attente, avec des petits tabourets et des mots croisés, 1979.

La forme physique communiste: la faim, les files d'attente et les exercices obligatoires.

Dans les années 1980, les Roumains survivaient en faisant des calculs précis: "Si nous mangeons aujourd'hui, aurons-nous assez pour demain?" Pourquoi manger un pain entier quand on peut se contenter d'un coin seulement? Pourquoi manger de la viande quand on peut devenir un expert des plats à base d'imagination et de soja? Le communisme, c'est donc un régime forcé imposé aux masses: pas de sucre, pas de graisse, pas de protéines. Mais comment étions-nous en bonne santé! Pas d'obésité, pas de diabète! Nous étions tous minces, comme des mannequins contraints à la famine. C'est à se demander comment nous ne sommes pas tous devenus mannequins. En conclusion, le communisme nous offrait un mode de vie "sain": très peu de viande, de petites portions d'aliments, de l'exercice physique intense (porter des provisions quand on les a trouvées !). Bonus: des interactions sociales forcées dans les files d'attente. Pour comparaison, le "réseautage" d'aujourd'hui sur les réseaux sociaux est bien inférieur à ce qui se faisait à la queue, dans la "file d’attente", où chacun établissait des plans et des connexions pour survivre un jour de plus.

File d'attente pour le pain dans le département de Prahova, 1977.
File d'attente pour le pain dans le département de Prahova, 1977.

Chapitre 2: Queue sacrée

La queue: une institution nationale

Celle-ci est devenue un symbole du communisme en Roumanie. C'était une véritable institution, un lieu de socialisation, un exercice de patience, parfois même un sport extrême. Un rituel collectif, une communion dans la faim. Les gens vivaient leur vie dans des files d'attente interminables pour la plupart des produits, en particulier les denrées alimentaires: produits laitiers, huile, sucre, œufs, pommes de terre, la soi-disant "viande", etc. Les files d'attente étaient devenues une habitude, une sorte de reality show où la question était "Qui reste debout après 12 heures de froid et de faim?". Elles faisaient office d’être le sport pratiqué en masse en Roumanie communiste, où l'endurance physique et les nerfs d'acier étaient essentiels. Les gens faisaient la queue pendant des heures, parfois sans savoir exactement ce qu'ils devaient acheter. Ils étaient passés maîtres dans l'art de repérer les files d'attente: si vous voyiez une foule de gens, vous saviez qu'une se formait. Votre instinct vous poussait à la rejoindre automatiquement. Nous aurions pu être surnommés les "détecteurs de queues".

Charcuterie, à l'époque où l'on pouvait encore acheter quelques produits, 1974.
Charcuterie, à l'époque où l'on pouvait encore acheter quelques produits, 1974.

Le jargon de la "queue"

Un langage spécifique s'est développé autour d’elle. Les marchandises n'étaient plus livrées au magasin, mais "introduites". Dans le magasin, les marchandises n'étaient plus vendues, mais "données". Nous ne les achetions plus, nous les "prenions". Lorsqu'un camion descendait dans la rue, le cri de guerre "viens le camion!" retentissait partout. Cela déclenchait une course effrénée vers le magasin le plus proche, car il était presque certain que "quelque choses» était sur le point d'être livré. Il pouvait s'agir de n'importe quelle denrée alimentaire ou même non alimentaire. Les pénuries étant devenues monnaie courante durant les dernières années avant 1989, tout produit était bon à acheter quand on pouvait le trouver. Pourquoi? Parce que personne ne savait quand il se retrouvait de nouveau sur les étagères du magasin, peut-être dans quelques jours ou quelques mois. Les aliments étaient vendus dans des magasins appelés "Alimentara". Celui-ci était un véritable "supermarché" communiste, entre guillemets, parce que sinon mon ordinateur portable sur lequel je tape pourrait tomber en panne... de rire. La seule chose qui y était présente en abondance était... la poussière. Ses étagères étaient tellement vides qu'elles étaient devenues un symbole minimaliste avant la lettre.

Vente de bière en plein air, 1979.
Vente de bière en plein air, 1979.

Aventures d'un survivant urbain

Lorsque des rumeurs de livraison de marchandises circulaient dans le quartier, j'avais pour consigne de me lancer dans un sprint effréné pour me frayer une place dans une file d'attente qui se formait plus vite qu'un flashmob lors d'un concert de rock. Je me retrouvais souvent aux côtés des retraités, les vrais "professionnels" de cette loterie de la survie. Je me souviens des hivers glacials où nous nous blottissions comme des pingouins en Antarctique, au milieu d'un véritable "Winter Survival Challenge" avant la lettre. Et nous nous appuyions les uns sur les autres pour nous réchauffer. Je me revois faire la queue au "Magazinul General" (une sorte de supermarché de l'époque) à l'angle de la rue Dristor et du boulevard Mihai Bravu, dans le quartier où j'habitais à Bucarest, la capitale du pays. C'était une sorte de "destination touristique obligatoire" pour survivre. Je manquais parfois l'école, mais ne vous inquiétez pas, je n'étais pas considéré comme un absentéiste. Les professeurs savaient que j'étais parti "chercher la Ration": un vrai programme extrascolaire!

J'ai fait la queue pour des bouteilles de gaz pendant trois jours et trois nuits, dans un entrepôt à l'extérieur de Bucarest ! L'année 1979.
J'ai fait la queue pour des bouteilles de gaz pendant trois jours et trois nuits, dans un entrepôt à l'extérieur de Bucarest ! L'année 1979.

Papiers et souvenirs de temps difficiles

Une connaissance travaillait dans un bureau d'études de construction où elle réalisait des dessins techniques sur papier, en suivant les instructions données par les architectes. Le bureau était situé dans le quartier central de Bucarest, près d'un "Magasin Général". Au travail, un véritable "service d'astreinte" était organisé: à intervalles réguliers, quelqu'un partait en reconnaissance pour voir si "quelque chose" venait d’être "introduit". Si c'était le cas, il donnait l'alarme et les bureaux se vidaient à la vitesse de l'éclair. Parfois, très rarement, ils arrivaient plus vite que les retraités, les "professionnels" de la queue, qui les injuriaient copieusement, exprimant leur mécontentement dans un langage… interdit aux moins de 18 ans. Le plus souvent, cependant, ceux qui se trouvaient dans les bureaux arrivaient alors que la file était déjà bien formée et devaient y passer des heures et des heures. Parfois, la précieuse marchandise se terminait précisément devant leurs yeux. Il n'est pas rare non plus que, même s'il en restait encore suffisamment, les vendeurs les mettaient de côté pour leurs "arrangements". Et ils leur disaient avec cynisme et dérision: "Vous qui travaillez avec du papier, mangez du papier".

File d'attente à l'épicerie, avant la chute du communisme, 1989.
File d'attente à l'épicerie, avant la chute du communisme, 1989.

Chapitre 3: La Ration

La vie en quantités prédéterminées

Et pourtant, malgré ces aventures remarquables, je n'ai jamais réussi à me sentir pleinement satisfaite de notre "Ration pour une vie saine". C'était le nom officiel de la liste des aliments et des quantités de chaque aliment que le Parti dirigé par Ceaușescu considérait comme nécessaires et suffisants pour les Roumains. Très vite, le terme "Ration" a commencé à être utilisé dans le langage courant pour (presque) tous les produits, et pas seulement pour les aliments. Il était utilisé au singulier : "ration d'huile", "ration de pain", "ration de bois de chauffage", etc. Le terme "Ration" désignait donc la quantité d'un produit donné que l'on avait le droit de consommer. C'est ce qui explique le cri de guerre de la Révolution: "Nous sommes venus prendre notre "Ration de liberté".

Document exceptionnel: note informative de la Securitate décrivant la pénurie alimentaire. Le rapport, daté du 21 août 1987, montre comment le système rapportait la crise alimentaire à laquelle les Roumains faisaient face.
Document exceptionnel: note informative de la Securitate décrivant la pénurie alimentaire. Le rapport, daté du 21 août 1987, montre comment le système rapportait la crise alimentaire à laquelle les Roumains faisaient face.

La propagande et les boucs émissaires

Cependant, le plafonnement de la quantité et de la nature des aliments consommés poursuit également un autre objectif: creuser le fossé entre la ville et la campagne. Les gens de la ville, les citadins, avaient droit à plus, les ruraux, les gens de la campagne, à moins. Le rationnement des aliments a été utilisé par le Camarade Dictateur Ceaușescu et son Parti Communiste pour manipuler la population, en dressant les uns contre les autres selon le principe "Divide et impera (diviser pour régner)". Et les paysans étaient souvent accusés d'être les "ennemis" qui utilisaient mal les "ressources de la ville". On a notamment fait d'eux des "boucs émissaires" pour justifier les manquements du régime. Comme ce fut le cas, par exemple, pour le pain.

Carte de rationnement pour le pain et attaque frontale contre les paysans accusés de "gaspiller" le pain du peuple.
Carte de rationnement pour le pain et attaque frontale contre les paysans accusés de "gaspiller" le pain du peuple.

Cas d'école: le pain

Pour justifier l'imposition de la "Ration de pain", Ceauşescu a ordonné que les paysans soient désignés comme "fauteurs de troubles". Toute suite, la propagande communiste les a accusés d'aller en ville pour acheter du pain afin de nourrir leurs cochons. Sous le prétexte d’empêcher cette pratique, à partir de 1982, les citadins allaient recevoir leur pain sur un ticket de rationnement nommé "CARTELĂ" en roumain. Les paysans n'avaient ainsi plus le droit d'acheter leur pain dans les villes, mais seulement dans leur commune ou village. Ces tickets, "cartela", étaient de couleurs différentes d’une ville à l’autre, d’une commune à l’autre, pour empêcher toute tentative de contourner le système.

Document rare: carte de rationnement de sucre de 1962!
Document rare: carte de rationnement de sucre de 1962!

Chapitre 4: Cartela

Réguler chaque bouchée

Ce système de tickets de rationnement a très vite été généralisé, car il permettait au Camarade Dictateur Ceaușescu et à son Parti Communiste de contrôler la consommation alimentaire de la population. Il imposaient les limites de celle-ci et contrôlaient strictement ce que les gens mangeaient et en quelle quantité. Grâce à ce système, l'État empêchait également les gens de se procurer plus de nourriture que ce qui leur était permis. "Cartela" était une carte, généralement un morceau de carton ou un petit carnet, qui contenait un tableau de 30 à 31 colonnes pour les jours du mois, pour le pain. Ou 12 colonnes pour les tickets pour d'autres produits tels que le sucre et l'huile, qui étaient distribués mensuellement. Il n'y avait pas de forme standardisée pour cette carte. Elle variait d'une ville à l'autre ou d'un département à l'autre. En général, chaque famille recevait une telle carte pour chaque produit. Perdre une carte était considéré comme une tragédie, car cela signifiait perdre la "Ration" pour tout le mois. Pourquoi? Pour obtenir un duplicata, il fallait du temps, au moins un mois. Cela signifiait qu’on ne pouvait pas obtenir ce produit-là pendant ce temps. Par ailleurs, l'État devait récupérer les produits "perdus" par ce biais. Cependant, dans les faits, ces produits finissaient généralement sur le "marché noir".

Le responsable (en arrière-plan) observe attentivement, prêt à intervenir au moindre écart.
Le responsable (en arrière-plan) observe attentivement, prêt à intervenir au moindre écart.

Souvenirs de l'Âge d'Or

Bien à savoir: le Camarade Dictateur Ceauşescu a dénommé "Âge d'Or" le temps de son règne. Mon père, le chef de famille, devait être présent pour réclamer "la Ration" des aliments de sa famille, qui étaient "donnés" sur la "cartela". À partir de mes 10-11 ans, quand il ne pouvait pas y aller à cause de son travail, c'est à moi que revenait le douteux honneur d’y aller le faire à sa place. Nous faisions des queues interminables, en gardant nos cartes à la main, comme si nous détenions des papiers de grand valeur. Et tout en attendant le moment où le ou la camarade vendeur allait nous demander de faire valoir notre droit à la survie. Une fois devant le comptoir, l'inévitable interrogatoire suivait, car la personne derrière le comptoir était le petit procureur communiste de l'alimentation:

- Pour combien de membres de la famille achetez-vous?

- Quatre personnes.

- Vous avez des cartes pour tout le monde?

- Oui, camarade.

- Avez-vous des locataires?

- Non, nous n'en avons pas.

J'avais toujours peur de ne pas recevoir de nourriture pour des raisons totalement arbitraires: peut-être que mon visage ne lui plaisait pas, ou peut-être que j'avais une voix trop joyeuse pour les normes de l'époque. Après cette véritable épreuve psychologique, la distribution des "rations" commençait. Tout était vendu en vrac: l'huile était versée directement dans des bouteilles rapportées de la maison (de préférence sans traces de gasole), le sucre dans des sacs de raphia et la farine tamisée avec de l'espoir. Ma chance? J'habitais à proximité. Mon manque de chance? Je devais porter quatre litres d'huile, quatre kilos de sucre et quatre kilos de farine, donc cette journée de "rations" était en quelque sorte ma séance de musculation. Mais la journée de courses ne s'arrêtait pas là, car la file d'attente pour la viande suivait. Si nous avions de la chance.

Marché de légumes à Cluj dans les années 80.
Marché de légumes à Cluj dans les années 80.

Chapitre 4: Le marché noir et le troc

Sous le communisme, les Roumains ont développé un sixième sens pour survivre: les relations et le troc. Il existait deux catégories essentielles: 1. Les employés des magasins, des centrales d'achat, des usines alimentaires, des cantines et des restaurants. Ils avaient accès directement aux diverses marchandises, principalement aux aliments. Ils informaient quand une certaine marchandise était "introduite". Ils mettaient aussi de la marchandise de côté pour des parents ou des amis, ou en échange de services. Le vol était à l'ordre du jour et ceux qui étaient pris allaient en prison. À condition qu’il soit sans "protection" de la part de quelqu’un du "système" sécuritaire ou politique; 2. Les membres du "système" étaient ceux de la Milice (le nom communiste de la "police"), de la "Securitate" (le nom de la police secrète du régime). Plus haut dans la hiérarchie du Parti communiste se trouvaient les apparatchiks appelés "nomenclaturistes" (à partir du rang de chef de l'organisation du Parti pour une grande ville ou un arrondissement du Bucarest). Ils avaient le pouvoir d’ordonner vous faire des dossiers criminels et de vous mettre en prison et/ou de donner des ordres à cet effet. Ils pouvaient aussi vous causer divers autres problèmes au travail, vous faire perdre votre maison au profit d'une autre bien pire, etc. De plus, il y a une catégorie à part: ceux placés le plus haut dans le "système" avaient accès à des magasins spéciaux, où ils pouvaient trouver tout ce qui manquait au commun des mortels.

En conclusion: vous aviez un ami à "Alimentara"? Vous avez de la chance. Vous aviez un ami dans le "système"? Vous étiez un roi. Cependant, il y avait un risque: détenir plus d'aliments que la "Ration" était considéré comme de la spéculation et puni de prison. Paradoxe absurde: si vous ne voulez pas mourir de faim, vous risquez la prison.

Souvent, les files d'attente pour divers produits alimentaires bloquaient la circulation sur les rues autour des magasins.
Souvent, les files d'attente pour divers produits alimentaires bloquaient la circulation sur les rues autour des magasins.

Le troc dans la nuit: des transactions entre ceux qui n'avaient rien

Mon père, notre héros incompris, passait ses nuits dans des endroits obscurs de Bucarest. Là, des véritables "marches de nuit" s’organisaient, où le troc était plus proche de la religion que du commerce proprement dit. Dans un monde où l'argent n'existait que comme une sinistre plaisanterie, tout se négociait sur la base d'une mercuriale de prix invisible, mais parfaitement connue de tous. Les paysans venaient avec des poulets, des légumes, de la farine et de la maïzena du moulin. Les citadins, mon père compris, s'engageait dans les transactions comme un magicien de la survie, troquant les "joies de la ville": pain, sardines marinés et autres «délices» pareils. Ceux-ci, à l'époque, étaient aussi rares dans les villages que l'animal national de l'Écosse, la licorne. En faisant du ce commerce-là avec paysans, mon père nous enseignait la leçon non écrite de l'économie de subsistance. Il apportait le poulet, qu'il obtenait pour le prix de 20 pains. Ensuite, ma mère, telle une sorcière de cuisine, transformait ce poulet en un délice culinaire qui aurait fait pâlir d'envie même les bourgeois les plus riches. Avec un seul poulet, maman pouvait produire une semaine de repas. De ces mêmes marchés obscurs, mon père ramenait aussi des sacs des pommes de terre, de maïs et du riz. Il ne fallait pas oublier non plus le coffre de la voiture rempli de pommes "Ionathanes", des fruits devenus presque légendaires pour nous.

Les anchois étaient une délicatesse pour les paysans qui étaient prêts à tout payer pour en avoir.
Les anchois étaient une délicatesse pour les paysans qui étaient prêts à tout payer pour en avoir.

À l'ombre du sac sacré

Ceux qui avaient des parents ou des amis à la campagne n'étaient plus obligés d'aller aux "marchés de nuit". Il suffisait d’aller simplement "rendre visite" à sa parentèle. C'était, soi-disant, pour entretenir de bonnes relations avec eux. Et c’était seulement par hasard, bien sûr, qu’ils revenaient avec beaucoup de "bonnes choses", c’est à dire des aliments. Et, chaque fois que mon père rapportait le sac de farine — oh, ce sac sacré de farine! -, je le cachais sous le lit, car on ne sait jamais quand "le mauvais temps peut arriver". Dans un pays où rien n'était sûr, même ce sac de farine ne pouvait rester à la vue de tous. Pour les paysans, la "ville" était une source de nourriture, principalement de pain, et surtout de produits non alimentaires. Ces denrées ne se trouvaient guère dans le seul "Magasin général" de la commune ou du village, qui se distinguait par....sa vacuité. Comment les paysans parvenaient à dissimuler bestiaux, volailles, légumes à l'œil des "collecteurs" du Parti et à les troquer - cela fera l'objet d'une publication ultérieure.

Les célèbres sacs en toile de jute, avec de la farine renversée en vrac. Oradea, 1988.
Les célèbres sacs en toile de jute, avec de la farine renversée en vrac. Oradea, 1988.

Chapitre 5: Les "propriétés" des aliments

Nos trésors: les "Adidas" et "Piftia"

Au début du règne du Camarade Dictateur Ceausescu, la viande était encore disponible; au fil du temps de son régime, elle s'est raréfiée jusqu'à disparaître quasiment complète. Dans les dernières années, elle était "donnée" dans des sacs remplis de têtes et de griffes de poulet. Si nous avions de la chance, nous pouvions trouver un rein de porc égaré dans les tranchées de notre destin communiste. Parfois, on trouvait des sabots de porc, qu’on surnommait "Addidas". Ceux-ci étaient utilisés pour préparer un plat à base de graisse et de gélatine nommé "piftia", un mets savoureux mais peu sain selon les standards nutritionnels actuels.

Propagande communiste sur les bienfaits de ce système: ce que prévoyait le plan quinquennal pour 1991-1995!
Propagande communiste sur les bienfaits de ce système: ce que prévoyait le plan quinquennal pour 1991-1995!

Le poulet et les "frères Petreuș"

Mais la vedette suprême de l’époque était le poulet. Il se trouvait le plus souvent dans la version "poulet blanc translucide" de 800 grammes, la moitié étant de la glace. Cela signifiait en fait qu'il pesait le poids d'un pigeon bien entraîné à un long vol. Certains acheteurs ont même juré qu'ils les entendaient roucouler à l'intérieur du sac — après décongélation, bien sûr. Il existait cependant aussi une version "grand luxe" appelée "Frères Petreuș", en référence à deux célèbres frères jumeaux chanteurs de musique populaire roumaine à l'époque. Le sac contenait deux poulets de 750 grammes chacun, glace comprise.

Les célèbres baskets de porc, utilisées pour préparer la piftie, un plat traditionnel roumain.
Les célèbres baskets de porc, utilisées pour préparer la piftie, un plat traditionnel roumain.

Farine, huile et le reste: les délices d'une époque de pénurie

Quand on avait de la chance, on trouvait du poisson en boîte, des haricots avec des saucisses (ceux-ci n'existant que sur l'image de la boîte) ou du pâté. Souvent, la boîte était attaquée par la rouille et il fallait l'ouvrir après un rituel ésotérique, sous peine de se couper les doigts et d'attraper le tétanos. L'huile? Visqueuse, ressemblant à un mélange de "suie de moteur" et de "boue de flaque", et versé à la louche dans des bouteilles rapportées de la maison. Le sucre? Tiré des sacs qu'il partageait fraternellement avec les rats et mesuré à la pelle pour que tout soit le plus "précis" possible. Et la farine… ah, la farine! Paradis des cafards et des coléoptères de toutes tailles, elle devait être tamisée à la loupe pour ne pas se retrouver avec des... surprises dans les gâteaux. La sensation la plus merveilleuse était lorsque je devais enlever les cailloux de haricots ou de riz. J'avais le sentiment sublime que quelqu'un, quelque part, avait un travail rémunéré pour les glisser là-dedans afin que nous ne manquions pas notre séance d'entraînement... pour les yeux.

Les frères Petreuș.
Les frères Petreuș.

L’imbattable banane

Concept indépassable, valeur culturelle dépassant les limites de l'entendement commun, l'institution de la banane se présentait comme un symbole officieux du régime communiste. À l'époque, une banane verte n'était pas seulement un fruit, c'était presque une fiction, un espoir vain, un culte nourri d'illusions. Pour nous, enfants de cette époque, les bananes avaient le statut de bénédiction divine. Nous considérions les bananes vertes comme des reliques sacrées que nous avions hâte de voir mûrir. Le rituel de l'épluchage de la peau dure et l'arrière-goût amer étaient presque sacrés, et nous, les enfants, avalions chaque tranche comme si nous étions en transe religieuse. Les bananes, bien que vertes, étaient la "nourriture des dieux". Nous les mangions sur un coup de tête, comme un dernier repas. C'était vraiment le prix à payer pour vivre un jour de plus dans le...Paradis communiste.

Les bananes étaient un aliment de luxe pendant le communisme.
Les bananes étaient un aliment de luxe pendant le communisme.

La confiserie: le goût doux-amer de l'illusion

Les confiseries communistes étaient "notre petit coin de paradis". Seulement, au lieu de gâteaux raffinés, on y trouvait des "pommes de terre aux biscuits": une combinaison énigmatique de farine avec quelque chose qui aurait dû être du cacao et du sucre, mais qui, dans les faits, n'était que des substituts de mauvaise qualité. À boire, l'infâme Quik Cola, caricature grotesque du célèbre Coca Cola, qui avait le goût d'un mélange de pain carbonisé et de la poussière, et qui sentait le crottin séché. Si vous aviez un estomac d'acier, vous pouviez même l'appeler "friandise". Exceptionnellement, on pouvait trouver un savarin, un "gâteau" qui se dissolvait sur la langue dans un "festin" qui semblait durer une éternité... du moment de mettre la gourmandise dans la bouche jusqu’au moment de se demander "mais qu'est-ce que j'ai bien pu manger?". Et des jus comme le Cico, avec un très léger goût de citron, ou le Brifcor, à base de bourgeons de sapin... squelettiques.

Voici à quoi ressemblaient les pâtisseries roumaines pendant le communisme. Bucarest, 1986.
Voici à quoi ressemblaient les pâtisseries roumaines pendant le communisme. Bucarest, 1986.

Chapitre 6 Préparation des aliments

La soupe, symbole de survie

Le petit-déjeuner se composait invariablement de pain et de thé à la menthe, au citron vert ou à la camomille. Nous cueillions nous-mêmes les herbes avec un enthousiasme digne des explorateurs partis à la découverte d'un nouveau continent, et le thé devenait une potion magique. Lorsque nous allions à l'école, nous avions un sandwich au fromage et une tranche de pain avec une couche de fromage plus fine qu'un cheveu. Quand nous n'en avions pas, les pommes étaient là pour nous tirer d'affaire et nous sauver de la famine. Lorsque nous étions "chanceux", c'est-à-dire lorsque nous parvenions à les acheter après avoir fait la queue pendant des heures, nous avions des biscuits ou des gaufres. Le repas du soir était un véritable "festin": le plat principal était de la soupe avec ce que nous avions à la maison. Une carotte, une tranche de pomme de terre, rarement un morceau de viande - tout ce qui était inclus dans cette "soupe" était parfait pour nous. C'était une soupe préparée avec "amour" par ma mère, qui nous semblait être un plat conçu par une cheffe d'un restaurant étoilé.

Modèle de soupe communiste: beaucoup de légumes, peu ou pas de viande.
Modèle de soupe communiste: beaucoup de légumes, peu ou pas de viande.

Les loches d’étang: du lac à l'assiette

Enfant, dans un esprit d'aventure, j'allais pêcher avec ma grand-mère dans un étang situé dans le parc d’à côté de sa maison. J'avais deux minuscules cannes à pêche, comme des allumettes, avec lesquelles j'attrapais les "monstres" de l'eau du lac: des loches d'étang. C'étaient de petits poissons colorés et sans défense, qui se battaient pour chaque brin d'herbe, comme le feraient des héros vaincus dans un combat sans espoir. Après avoir attrapé la "proie", je la ramenais à la maison comme un pirate ayant trouvé un trésor après avoir traversé une tempête. Ensuite, avec une dextérité qui m'échappe encore, Mamie les éviscérait et les transformait en un repas digne d'une royauté multidimensionnelle. Elle les passait d'abord dans de la farine de maïs, puis les faisait rôtir. Je le jure, ils étaient meilleurs que tout. Je les mangeais intégralement, têtes et os compris: ils étaient un délice pour l'enfant que j'étais. Aujourd'hui, on dirait que j'ai pêché des poissons dans un aquarium jouet et que je les ai transformés en un repas de conte de fées. Mais à l'époque, c'était une petite aventure, une escapade au milieu d’une misère qui me semblait plus grande que nature.

Le lac IOR, au bord duquel j'ai grandi, dans un immeuble communiste en forme de Y.
Le lac IOR, au bord duquel j'ai grandi, dans un immeuble communiste en forme de Y.

Le porc: chef-d'œuvre culinaire fait pour durer

Le porc était découpé avec une précision artisanale et rôti entier. Le lard était récupéré intégralement et soigneusement conservé: il était plus précieux que l’or pour nous. Les jarres étaient remplies de lard liquide et de morceaux de viande qui se solidifiaient au froid, devenant une sorte de "réserve" pour les mauvais jours. Rien ne se perdait. Lorsque mon père avait faim, il prenait une ou deux tranches de pain, y étalait le saindoux solidifié du bocal et y ajoutait une gousse d'ail, les savourant comme un mets rare. Nous, les enfants, ne comprenions pas ce "luxe" du pain et du saindoux, mais pour nos parents, c'était la nourriture simple qui leur permettait de tenir les journées d'hiver.

Le porc rôti dans sa graisse, une délicatesse rare sous le communisme.
Le porc rôti dans sa graisse, une délicatesse rare sous le communisme.

Viande de soja et pain rajeuni

Pendant le règne communiste du Camarade Dictateur Ceaușescu, les Roumains ont inventé des recettes spécifiques. En l'absence de viande de porc, le plat traditionnel roumain "sarmale" était farci de boulettes de soja. En l'absence de viande de poulet, nous préparions du poulet en...soja. La viande de soja était plus courante qu'autre chose; malheureusement, même cela était devenue de plus en plus rare vers la fin du règne du Ceausescu. Comme la ration de farine et d'œufs ne permettait pas aux Roumains de faire des gâteaux à la maison, que très rarement, ils remplaçaient les ingrédients manquants par des biscuits hachés. Les Roumains ont également trouvé une solution pour rajeunir le vieux pain de la "Ration": il était humidifié pour ramollir et prendre une consistance plus fraîche. Les bananes et les oranges vertes, qui n'apparaissaient qu'à Noël, étaient conservées enveloppées dans du papier journal près d'une source de chaleur pour cuire plus rapidement.

Les magasins pleins, un moyen de propagande ordinaire.
Les magasins pleins, un moyen de propagande ordinaire.

Les séquelles d'un cauchemar collectif

Tout cela n'est plus que souvenirs, fragments d'un cauchemar collectif né de la pauvreté et de la propagande. C'était humiliant, épuisant, révoltant, mais aussi satisfaisant, car chaque "Ration" obtenue était une victoire contre le système. Autant dire que papa et maman étaient des "dieux de la survie", en riant plutôt jaune. Ils n'étaient pas seulement des gens qui luttaient pour gagner leur vie. Ils étaient les artisans d'un monde qui, bien qu'appauvri, avait ses propres règles et, pour certains d'entre nous, son propre goût de "bénédiction". Aujourd'hui, je vis avec toutes ces habitudes étranges que m'a imposées cette "superbe" période de troc et de pénurie. Aujourd'hui, 36 ans plus tard, et après avoir vécu 23 ans en Nouvelle-Zélande, je porte encore en moi les séquelles de cette période: de temps en temps, je me surprends à acheter d'énormes quantités de conserves, de farine, d'huile et de sucre, car... on ne sait jamais quand elles seront "données" à nouveau. Parfois, je regarde un camion passer et j'ai le réflexe de chercher le magasin où la marchandise qu'il transporte va être "introduite". Donc, je sors mon smartphone de ma poche pour le chercher sur Google Maps et alors, et alors seulement, je me réveille et pousse un soupir de soulagement: le cauchemar est terminé.

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